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Blues 42

Jean-Philippe Porcherot, journaliste à Blues Magazine et à Soul Bag

1ère Nuit Blues de Sainte Colombe
le 19 Mars 2011
publié le 9 novembre 2012

A l’instigation de la Black Jack Blues Association et de son président Jacques Garcia, en partenariat avec la municipalité de Sainte-Colombe (69), la grande salle de la Verrière des Cordeliers accueillait sa première « Nuit Blues ».


Sophie MALBEC Blues Band

C’est devant 300 spectateurs environ que le Sophie Malbec Blues Band monta sur scène pour chauffer l’ambiance durant les 45 minutes de cette première partie de soirée, entamant ce concert par « G Blues », une composition personnelle récente qui fut une très bonne surprise. Basée sur Lyon (69), la formation de la chanteuse-guitariste Sophie Malbec n’eut aucun mal à s’attirer les bonnes grâces d’un public connaisseur qui s’enthousiasme régulièrement à chacune de ses apparitions sur les scènes de Rhône-Alpes.

La voix grave et puissante de Sophie, ainsi que son jeu de guitare électrique incisif sont très appréciés des amateurs de blues locaux et ce ne fut donc pas une surprise d’entendre les salves d’applaudissements ponctuer chaque solo de guitare. Quelques standards comme « It Hurts Me Too » ou « Standing At The Crossroads », des reprises moins connues (« You Got Me Runnin’ »), l’ensemble tourne rond avec David Paquet (de Mellow Blues duo) et son jeu inspiré à l’harmonica, mais quelque peu timide et en retrait ce soir.

Peut-être était-ce aussi la pression de jouer en première partie d’Otis Grand, mais Sophie Malbec sembla moins détendue qu’à son habitude, manquant d’un peu de souplesse tant dans la voix que dans le jeu de guitare et ayant quelques difficultés à se libérer pour n’atteindre finalement son meilleur rendement que dans la seconde moitié de sa prestation plus acoustique qu’électrique sur des reprises de « Midnight Special » ou « Nobody Knows ». Une nouvelle compo, acoustique celle-ci, intitulée « By The Way », pour le plaisir de tous et le Sophie Malbec Blues Band terminait par un « Hound Dog » électrique bien balancé.

Que dire de la section rythmique ? Elle assura tant avec Pham Trong Hieu à la batterie qu’avec Pierre Gibbe à la basse et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce fut délicat pour lui sachant qu’il cassa une corde sur « Hoochie Coochie Man » en tout début de set. Son jeu fut donc assez en retrait contrairement à son habitude.



« Suzie Q » en rappel devait clore cette bonne prestation d’ensemble qui avait réussi son pari, à savoir chauffer un public venu applaudir l’un des grands du blues, Monsieur Otis Grand.

Otis GRAND & The Big Blues Band

Le temps d’un changement de cordes pour la basse de Pierre Gibbe qui affichait sérénité et décontraction (insouciance des 18 ans) avant de jouer ses premières mesures au sein du Big Blues Band d’Otis Grand et l’ami Black Jack, en maître de cérémonie, portant tee-shirt en hommage à Big Jack Johnson récemment disparu, présentait la vedette de la soirée, trop rare sur les scènes françaises ces dernières années, le talentueux Otis Grand.

La section de cuivres composées des fidèles complices que sont Mike Peake (trompette) et Barrie Martin (sax ténor) attaqua bille en tête sur ce premier morceau d’échauffement sous la direction du guitariste-chanteur norvégien Anders Westhagen, dont le fils, Andreas Westhagen (19 ans) officiait derrière les fûts. Section rythmique très jeune donc, Pierre Gibbe tenant la basse, mais pétrie de talent et d’énergie à revendre.

L’italien Eric Ranzoni aux claviers complétait cette formation cosmopolite. L’entrée d’Otis Grand fut saluée comme il se doit par une salve d’applaudissement lors du second morceau. Le maître n’a rien perdu de son art, son feeling est intact et en géant débonnaire, il permit à chacun de ses musiciens d’exprimer leur talent.



Les morceaux se succédèrent dans une ambiance détendue où la plaisanterie était de mise. Aucun temps mort, tant Otis Grand est généreux dans l’effort. Seuls quelques blues lents permettaient de respirer un peu et ce fut un régal que d’écouter le jeu inventif d’Otis Grand tant sur sa Gibson que sur sa Fender. Anders Westhagen, relativement sobre dans son phraser, n’hésit pas à prendre un solo à la demande de son leader et le jeu alerte du pianiste Eric Ranzoni renforça la dynamique du groupe.



Le répertoire est varié et déjà assez ancien puisque le dernier CD d’Otis Grand, « Hipster Blues », remonte à 2007, et on se souvient encore du succès de « Perfume & Grime » une dizaine d’années auparavant. De nombreux instrumentaux alternèrent avec quelques titres chantés bien que le chant ne soit pas la spécialité d’Otis Grand, ni d’Anders Westhagen, au demeurant honnêtes dans leur registre vocal respectif – Anders prenant néanmoins à son compte avec succès le « All Your Love » d’Otis Rush dans un style très british blues.

D’aucun regretterons peut-être la période durant laquelle Otis se produisait régulièrement en compagnie du chanteur Jimmy Thomas, mais ne boudons pas notre plaisir car ce concert fut d’une incontestable qualité.

Le temps d’un jump blues et ce fut Barrie Martin au sax qui se mit en valeur dans un duel amical avec son boss.

Très paternel, Otis incita Pierre Gibbe à nous gratifier d’un solo de basse et ne tarissait pas d’éloges à l’égard de cette jeune génération que représentait également Andreas Westhagen à la batterie.

Une standing ovation salua la fin de cette prestation et ce fut avec cette courtoisie qui le caractérise que Monsieur Otis Grand invita Sophie Malbec sur scène pour un « mini-bœuf », le temps de deux titres pour un rappel mérité.

Otis Grand porte bien son nom … un grand guitariste doublé d’un homme profondément généreux. Quel talent ! Merci à toute l’équipe de bénévoles de la Black Jack Blues Association et à la municipalité de Ste-Colombe pour nous avoir offert une si belle soirée.

Excellente ambiance parmi les membres de la Black Jack Blues Association, habitués du club Au "Mi" Lieu du Blues.

Masterclass d’Otis Grand et exposition

A noter que le lendemain, une masterclass dirigée par Otis Grand accueillait des stagiaires venus apprendre quelques uns des secrets de ce maître de la six cordes et acquérir quelques rudiments de cette philosophie que dispense l’artiste sur scène de façon si bienveillante.

Les Nuits Blues de Ste-Colombe, ce fut également une exposition de peintures, de dessins et de sculptures sur le thème du blues et plus largement de la négritude dans la salle d’exposition de la Verrière des Cordeliers du 14 au 20 Mars.

Etaient regroupées dans ce lieu des œuvres de Daniel Barthélémy, David Chassaing (Patxeco), Henri Collet, Olivier Perriolat, Jorge Ramirez et Jean-Philippe Porcherot.

L’animation musicale lors du vernissage fut confiée au duo Pascal Rosiak (accordéon, chant) – Michel Rullière (batterie) pour un court set aux influences louisianaises.